• La mesure des étoiles doubles en imagerie CCD : comment ça marche ?

    La mesure des étoiles doubles consiste à déterminer l'écartement du couple, ainsi que son angle sur le ciel à une date donnée. Ce sont ces deux informations, mesurés un grand nombre de fois à des dates différentes, qui permettent le calcul de l'orbite quand le couple est lié gravitationnellement.

    L'écartement : il s'agit de la distance entre la composante principale (étoile la plus brillante du couple) et la composante secondaire (la moins brillante). L'écartement se mesure en secondes d'arc. Par convention, l'écartement est symbolisé par la lettre grecque Rho.

    L'angle : il s'agit de l'angle entre le nord et la ligne passant par les deux composante du couple. La composante principale du couple est positionnée à l'origine et l'angle se compte dans le sens contraire aux aiguille d'une montre (voir figure). Par convention, l'angle est symbolisée par la lettre grecque Thêta.



    La date de mesure : exprimée en année et fraction d'année.

    La différence de magnitude est également un paramètre intéressant à relever, car pouvant permettre de lever un doute sur l'identification d'un couple.

    Historiquement, de nombreuses méthodes/dispositifs ont été développés par les astronomes, vous trouverez des explications détaillées ici.
    La suite de cette page ne traite que de la méthode utilisant une caméra CCD … comme micromètre !

    Le cas de la mesure avec une caméra CCD :

    Les pixels du capteur CCD (ou CMOS d'ailleurs) sont de taille fixe ; ils peuvent constituer, en quelque sorte, une échelle pour mesurer l'écartement d'un couple. L'analyse de l'image obtenu permet de déterminer cet écartement exprimé en pixel.

    La position des deux composantes du couple sur le capteur, quant à elle, permet de déterminer l'angle de la ligne passant par les deux composantes par rapport au bord du champ.

    On voit qu'à ce stade, nous n'avons pas accès aux mesures physiques proprement dites, mais à des données liées au capteur. Il nous reste à étalonner le capteur pour accéder aux mesures physiques.

    L'étalonnage du capteur CCD :

    La mesure de couples étalons, dont les paramètres sont stables et connus permet l'étalonnage. Une séance de mesure commence donc par "imager" un couple étalon, afin de déterminer la taille d'un pixel (en " d'arc) et l'orientation du champ (en degré par rapport au Nord).

    Une liste de couples étalons est fournie ici , rubrique "Observations". Les valeurs fournies sont issues du catalogue Hipparcos. Elle sont très précises mais datent de 1991,25. Les couples ont pu évoluer, ne serait-ce qu'à cause de l'effet de la précession des équinoxes qui modifie la direction du Nord. Une nouvelle liste est en préparation, basée sur les données de 2015 du satellite Gaia (catalogue Date Release 1 publié en avril 2016). Elle sera placée prochainement sur le site de la Commission des Etoiles Doubles de la SAF, mais ce trouve d'ores et déjà mon site dans la rubrique Outils logiciels. Il est fortement recommandé d'utiliser cette dernière, certaines valeurs d'angle ayant évolué depuis 1991,25.

    Une solution alternative existe pour l'étalonnage du champ CCD en orientation. IL s'agit d'enregistrer un filé d'étoile, monture arrétée. Ce filé indique naturellement la direction de l'ouest. Le logiciel Reduc (décrit plus loin) exploite les images de filés d'étoiles de manière très simple.

    Après l'étalonnage, la séance de mesure proprement dite peut ensuite continuer avec les couples dont on souhaite obtenir une mesure. Bien sûr, le positionnement du capteur doit être rigoureusement constant pendant une séance de mesure.

    On appelle réduction le passage des données brutes aux données physiques d'écartement et d'angle.

    Méthode de capture d'image employée :

    Je réalise l'étalonnage sur deux couples pour chaque séance, un en début de séance, un autre en fin (pour repérer un éventuel mouvement de l'imageur pendant la séance). La valeur d'étalonnage retenue pour la séance est la valeur moyenne de ces deux opérations.
    Il est impératif de refaire l'étalonnage pour chaque séance de mesure, le positionnement rigoureusement identique du capteur n'étant pas garanti à chaque remontage.

    Je passe ensuite aux mesures de la liste de couples préparée pour ma séance.

    Pour chaque couple, je prends au moins 60 images (jusqu'à 500 pour les couples difficiles). Un travail de moyennage permettra de limiter les effets des perturbations entre chaque image, notamment dues à la turbulence. Il arrive aussi que certaines images ne soient pas exploitables (filé dû à la monture par exemple) et il est important d'en avoir de nombreuses disponibles pour garantir un résultat.
    Une fois la séance de mesure terminée, on dispose donc des fichiers BMP ou FIT des 2 couples étalons et des N couples à mesurer stockés sur l'ordinateur.

    Travail de réduction pour obtenir les mesures physiques :

    Ce travail fastidieux est heureusement simplifié par l'utilisation du logiciel REDUC qui s'acquitte de cette tâche avec une grande souplesse et une grande efficacité. Un grand merci à F. LOSSE pour cet outil indispensable !
    L'utilisation du logiciel REDUC est présentée par l'auteur ici.

    Un premier tri visuel de chaque pile d'images permet d'éliminer les images inexploitables en raison de la turbulence, d'un défaut de suivi de la monture, etc...

    Il faut commencer par réduire les couples étalons afin de disposer de valeurs d'étalonnage, qui une fois introduites en paramètre dans REDUC, vont permettre d'obtenir directement les grandeurs physiques pour chaque couple.

    J'utilise la procédure suivante pour chaque couple :

    1 - examen visuel de chaque image et rejet de celles qui sont dégradées
    2 - mesure élémentaire de chaque image du couple ; REDUC dispose d'un mode automatique qui enchaîne ces opérations très facilement ; il est indispensable ensuite de parcourir la liste des valeurs obtenues pour chaque image élémentaire, et d'écarter celles pour lesquelles REDUC "s'est trompé" (identifié simplement car le réticule de mesure n'est pas centré sur l'étoile). Ces écarts peuvent être dus, par exemple, à des pixels chauds du capteur
    3 - relever la valeur moyenne des mesures élémentaires valides M1
    4 - compositer les N images élémentaires
    5 - stocker l'image compositée qui apporte "la preuve" de la réalité de la mesure
    6 - mesurer Thêta et Rho sur l'image compositée : M2
    7 - on obtient alors la mesure définitive M = Moyenne de M1 et M2

    Attention : les couples faibles ou aux composantes très proches peuvent souvent ne pas permettre de disposer de M1 ; dans ce cas, je travaille simplement sur l'image compositée et M = M2

    Pour les cas favorables, on a donc Mesure retenue = Moyenne de la ((moyenne des mesures) et de (la mesure de la moyenne)) !!
    Il peut être intéressant pour gagner en précision et en fiabilité de répéter la mesure d'un couple sur plusieurs séances à des dates proches : on fait alors une nouvelle moyenne des mesures obtenues lors de chaque séance, y compris pour la date.


    Mon matériel : La mesure des étoiles doubles en imagerie CCD : comment ça marche ?

    • Un C8 sur monture HEQ5 Pro GoTo
    • Un porte oculaire Williams Optic
    • Un flip mirror Meade pour contrôler le champ et faciliter le pointage
    • Une barlow Clavé x 2
    • Une caméra CCD DMK41 N&B et plus récemment une ATIK 314L+

     

    Et depuis mi 2017, mon nouveau matériel est le suivant :

    • Un C11 sur une monture EQ8
    • Une barlow x2
    • Une caméra ZWO ASI290MM La mesure des étoiles doubles en imagerie CCD : comment ça marche ?
    • Le correcteur de diffraction atmosphérique est en cours d'installation